2013.03.25 Modernisation phase 2, décryptage d'un long chantier
La phase 2 des grands travaux de modernisation de la ligne du Mont-Blanc Express approche. Si on excepte les travaux d'ouvrage d'art de Passy-Chedde déjà lancés, c'est à partir du 2 avril 2013 que la seconde partie va être réalisée avec pour commencer une interruption totale de toutes circulations pendant 3 mois; décryptage de cette année 2013 qui sera le moment fort de cette modernisation.
La situation après la phase 1 de 2012
Le RVB entre Chamonix et Argentière (gare inclue) était achevés fin 2012 mais le retard pris dans l'avancement des travaux et la neige arrivée tôt en masse n'ont pas permis de réaliser les vérifications et essais dans les temps pour instruire rapidement le dossier sécurité de l'EPSF, seule autorité à valider la circulation ou pas des trains après travaux. Malgré des efforts de tous, sociétés mandatées et agents SNCF, le train n'a pu remonter au-delà de Chamonix, ni à Noël, ni pour les vacances de février.
Entre Argentière et Montroc, le gros oeuvre était terminé fin octobre là aussi en retard, mais la neige et tout d'abord le gel n'ont pas permis de réaliser les passes de finition du bourrage dressage de la voie, interdisant du coup le montage du 3ème rail.
Le 8 novembre, la neige faisait son apparition. A la faveur d'un redoux la voie a été balastée mais les chutes de neige suivantes et le gel du ballast n'ont pas permis de poursuivre les opérations de dressage de la voie.
Au tunnel des Montets, comme prévu les voitures ont exclusivement traversé l'ouvrage ainsi que certains bus TER lors des fermeture du col des Montets (dernière fermeture en date du 17 au 20 mars). Mais la partie des travaux de 2012 n'est pas complètement achevée au niveau de la voûte et du radier finale englobant la voie ferrée.
Certaines parties de la voûte n'ont pu recevoir leur coque de béton en raison d'infiltrations au débit hors normes.
Séance de rattrapage pour la phase 1
Dès le 2 avril donc, la société Maïa Rail va entreprendre de terminer le nivellement de la voie entre Argentière et Montroc y compris en gare. Suivra ensuite la pose du 3ème rail d'alimentation électrique.
Les trains d'essais ne pourront cependant pas êtres assurés avant la fin de la coupure de 3 mois entre St Gervais et Chamonix soit début juillet, car aucun train ne sera stationné à Chamonix pendant cette période et aucun ne pourra monter depuis St Gervais avant la restitution des travaux par RFF dans les gorges de l'Arve. Mais une restitution anticipée n'est pas a exclure si le chantier est plus vite à jour que prévu .
Dans le tunnel des Montets, c'est le traitement de la coque étanche en plusieurs points qui va devoir refaire son retard. Des voies d'eau d'un débit sous-évaluées (car difficilement quantifiable et suivant des conditions variant dans le temps et suivant la météo) avaient empêché de réaliser l'enveloppe de béton pourtant renforcée comme dans tout le reste de l'ouvrage. Une fois faite, cette opération laissera place au coulage du radier définitif pour les voitures et les rails de chemin de fer (voie type tramway sur route), ainsi que les équipement ferroviaires qui vont avec.
Ce qui est au programme du printemps
Il faudra distinguer deux opérations pendant les trois prochains mois :
- La massification travaux de l'Etablissement Mont-Blanc.
- La poursuite de la modernisation suivant le projet RFF.
Malgré le vaste chantier de modernisation en cours, l'Unité Opérationnelle Voie de l'EMB (qui n'est pas impliquée comme prestataires dans le projet) va poursuivre son programme travaux semestriels. En effet, deux fois par an pendant les périodes creuses, au printemps pour la partie St Gervais – Chamonix et à l'automne pour la partie Chamonix – Vallorcine, des opérations de massification travaux de trois semaines sont engagées par l'EMB.
Travaux EMB de massification en octobre 2011 à la sortie d'Argentière. Une portion neuve de 400 m posée en à peine deux semaines avec des moyens humains, peu mécanisés mais démontée en avril suivant dans le cadre de la modernisation
Des travaux cependant limités en raison d'une enveloppe budgétaire annuelle modérée ainsi que des moyens humains et techniques eux aussi assez peu nombreux. Les compétences de ces agents n'ont sont pas moindre pour autant mais dépourvu de moyens techniques mécanisés lourds le travail de remplacement à neuf de la voie ne peut excéder 400 ou 500 m par massification.
Mai 2012, voie 4 de Chamonix refaite à neuf sur 250 m par les agents voie de l'EMB en à peine 10 jours de travail
C'est la gare de Chedde (deux voies) et son PN qui seront traités d'avril à mai pour un remplacement complet des rails, traverse et ballast. L'EMB est également partie prenante dans les opérations de recentrage du viaduc des Egratz et le nouveau pont-rail de Passy.
Dès la fermeture de la ligne le 2 avril, RFF prendra possession de la section Chedde – Chamonix pour que l'EMB puisse travailler librement entre Le Fayet et Chedde.
De son coté RFF via la société prestataire de travaux va engager une très grosse opération de renouvellement de voie et ballast entre Servoz et Les Houches.
Cette portion de la ligne est la plus fatiguées et surtout la plus vielle demeurant entre St Gervais et Chamonix, le reste du parcours (hors section Fayet – Chedde – Pk 3,5) ayant été au fil des années entièrement rénovée par les agents voie de l'EMB (et deux société privées en 2008 pour la pente de 90/1000 entre Chedde et Servoz).
On notera cependant une portion d'essai "rails soudés et traverses béton bi-bloc" entre Servoz (inclu voie 2 en gare) et le Pk 7,7 au franchissement de la RD 1205, ainsi que 500 m refaits de façon classique entre le tunnel de la Cascade et le viaduc St Marie. Les traverses béton n'ayant pas donné satisfaction dans le temps, cette partie sera démontée également et refaite comme le reste.
Dans la rampe de 80/1000 vers Vaudagne puis sur la Corniche au-dessus de la Route Blanche sans oublier celle entre le viaduc et les Houches, les interventions régulières des agents voie SNCF sur l’infrastructure vieillissante parvenaient de plus en plus difficilement à maintenir un confort de roulement correcte avec une voie qui accusait son très vielle âge, autant pour les rails que pour la plateforme qui a été terrassée il y a près de 110 ans à présent.
La Corniche entre Viaduc et Vaudagne, une portion plus que centenaire qui vit ses derniers jours dans version 1904. La voie en traverses bétons à Servoz (photo de droite) sera remplacée.
Dans 12 semaines, cette vilaine section pourtant belle et sauvage par son panorama en surplomb des gorges de l'Arve et les anciennes "Montées Pellissier" ne sera plus qu'un souvenir. Elle sera remplacée par une jolie voie lisse et silencieuse, à l'image de la rampe de 9 % de Chedde à Servoz dont l'état avant rénovation ne valait guère mieux que la Corniche aujourd'hui.
Au Houches, les voies de gare seront rénovées également et une voie de garage vas être construite à coté de l'actuelle voie de service vers l'ancienne hall marchandise modifiée en sous-station électrique.
Cette voie servira au garage des trains assurant le service cadencé à la 1/2 heure entre Vallorcine et Les Houches puisqu'au-delà vers St Gervais, il n'y aura qu'un train sur deux qui continuera ou arrivera.
Aux Houches, c'est le long de la voie de service (où se trouve le train sur la photo) que sera construite la voie de garage dans l'axe du lampadaire
La ligne entre Le Fayet et Les Houches sera donc rendue aux circulations fin juin, lorsque les travaux du pont de Passy, celui des Egratz et le RVB Servoz – les Houches seront terminés.
Avec la restitution faite de la partie Chamonix – Montroc, les trains pourront retrouver le pied du massif des Posettes dès le début juillet 2013 après 15 mois d'absence.
Le système Eclair cède sa place au système MZ
Conçu à exemplaire unique, le système ECLAIR tire sont fonctionnement dans une mixtion entre informatique et transmissions radio associés à un système embarqué de protection contre les départs en ligne non autorisés.
Malheureusement, s’appuyant sur l’OS Windos 95, il ne peut être modernisé informatiquement à moins de recréer la totalité de l’interface informatique, ce qui aurait un coût prohibitif. Ce système s’appuyait sur une signalisation en ligne basique faite de pancartes fixes donnant diverses indication d’annonce et d’exécution associées aux connaissances de la ligne des conducteurs.
Descriptif du système Eclair (lien à cliquer)
La solution économiquement plus logique était donc de recourir à un système d’automatisation de gestion de ligne existant. Sur le réseau national, le Block Automatique Lumineux est largement développé souvent associé à un Poste de Commande Centralisée Informatisé. Un choix coûteux même si généralisé sur le RFN par RFF.
Dans la procédure d’appel d’offre que RFF est obligé de lancer pour un tel chantier, d’autres fournisseurs étaient sur les rangs avec des système également couteux, peut-être plus que le BAL SNCF mais avec un avantage qui va faire pencher la balance dans les décisions.
La ligne du Mont-Blanc Express a toujours cultivé la règle de l’exception et le système choisi donnera une nouvelle fois à cette ligne l’occasion de présenter une particularité pour le moment unique en son genre : ce sera la première ligne de chemin de fer en France à être équipée du bloc automatique Siemens type MZ identique (mais en version simplifiée) au système généralisé sur le réseau Suisse et Allemand.
Descriptif du système MZ des TMR (lien à cliquer)
C’est une grande nouveauté qui ne va pas manquer de bouleverser l’ordre établi et surtout, va impliquer une étude très fine et complexe pour faire cohabiter cette signalisation avec la règlementation de sécurité appliquée à la SNCF qui devra subsister ici.
Les conducteurs du Mont-Blanc Express sont formés à la règlementation SNCF et partiellement à sa signalisation. Ils peuvent ulterieurement devenir conducteurs sur la "voie normale" partout en France suivant une mise à niveau de leur formation initiale.
Il n’était pas envisageable de supprimer totalement toute l’application de la règlementation SNCF sur la ligne pour y appliquer intégralement la règlementation du système MZ. En effet, si on peut mixer plusieurs systèmes de signaux (c’est déjà le cas sur plusieurs lignes transfrontalières), la manière d’appliquer les règles de sécurité est propre à chaque réseau et indisociable de chaque réseau national. Il fallait donc respecter ce principe qui veut que quelque soit la société qui vient rouler sur le réseau RFF, elle doit appliquer la règlementation qui y est en vigueur. Mais appliquer les règles SNCF avec des signaux qui sont différents présente le risque de créer des contradictions dangereuses pour la sécurité.
Le travail d’élaboration mené en amont depuis plusieurs mois n’est donc pas chose facile car il ne faut pas fragiliser le processus de sécurité propre à la SNCF qui est un des rares au monde à offrir entre une et trois “boucle de rattrapage” en cas d’application anormale ou d’incident technique et humain.
Entrée de Châtelard - frontière coté Français, les conducteurs rencontrent un signal MZ mais qui leur donne une indication relevant du règlement SNCF "Mont-Blanc Express"
Mais le bloc MZ a un avantage qui a pesé dans la balance des décisions : il équipe déjà la partie helvétique de la ligne du Mont-Blanc Express entre Châtelard – Frontière et Martigny. Dans l’optique d’un rapprochement technique et commercial des deux antités exploitantes (SNCF et TMR) renforcé par le protocole d’intension de collaboration étroite signé en janvier dernier à Chamonix, ce système s’imposait. Il permettrait par exemple une homogénéisation de l’exploitation sur l’ensemble de la ligne, plus propice à une interpénétration des conducteurs des deux entreprises.
Signature le 4 janvier 2012 du protocole d'intention de partenariat entre SNCF et les TMR.
Dans le courant de l’année 2013, l’implantation du système MZ va débuter. Il a même déjà pris naissance avec la pose en 2012 de la fibre optique entre Chamonix et Châtelatd qui va se poursuivre toute cette année y compris entre Chamonix et St Gervais. Le premier semestre sera employé à couler les massifs de béton supportant les signaux et la construction de postes relais informatisés télécommandés, dans chaque gares de croisement, soit dans les bâtiment existant, soit dans des locaux construits extérieurement.
La gestion à distance se fera toujours depuis St Gervais mais avec une intervention humaine minimisée puisque les échanges de dialogue radio pour autorisation de départ de chaque gare vont disparaitre. Les conducteurs obéiront directement à la signalisation visuelle.
Le PCD de St Gervais pourra également commander à distance non seulement tous les signaux mais aussi les aiguillages (itinéraires) et les commandes des sous-station électrique (comme c’est déjà le cas en fait).
Les premiers signaux apparaitrons dès le second semestre 2013 et seront mis en place progressivement jusqu’en 2014. C’est seulement cette année là que le système Eclair basculera définitivement en une seule fois sur le système MZ, marquant du coup un peu moins de 20 ans d’existence de ce système unique au monde mais malheureusement devenu inadapté à l’exploitation intensive voulue par le cadencement à la ½ heure et présentant le défaut d’obliger à des arrêts en gare trop long de l’ordre de 1 à 3 mn suivant les cas de figure.
Plus d'énergie avec des super-batteries
Le projet ambitionne également d'augmenter la capacité de fourniture en énergie électrique 850v. Car plus de train en ligne veut dire aussi plus de consommation unihoraire.
Les sous-stations de Chedde, Servoz-les Gures, Les Houches et Chamonix suffisent déjà tout juste pour le trafic actuel soit deux trains simultanément sur cette portion, trois trains simultanément sur toute la ligne avant les travaux.
Si les installations restent suffisantes pour les fortes déclivités entre Chedde et Vaudagne avec toujours un seul train par heure, la consommation sera plus importante entre Les Houches et Chamonix avec 1 train toutes les 30 mn au départ des Houches vers Vallorcine. Car si les grimpées des rampes de 8 et 9 % sont gourmandes en énergie, les partie plus rapides (entre 40 et 60 km/h) dans la vallée de Chamonix le sont encore plus avec des arrêts plus rapprochés les uns de autres et donc plus de phases de montées en vitesse qui sont aussi voir plus énergivores que les rampes gravies à 35 km/h constants.
Un renforcement du réseau énergie était donc prévu avec une nouvelle sous-station aux Bossons mais aussi une aux Tines sur le tronçon du haut de ligne.
Avec les atermoiements financiers qu’a subit le projet, RFF a recherché une solution plus économique et une fois de plus, le Mont-Blanc Express sera la base d’une innovation pour le réseau RFF avec l’utilisation de “super batteries” pouvant assurer une suralimentation ponctuelle de certaines zone en cas de demande forte. Comme un turbo qui s’enclenche lorsque l’on demande de la puissance moteur, ces super-batteries seront activées dès lors qu’un train demandera plus d’intensité principalement lors des démarrage ou de circulation d’UM.