Sur la voie du Mont-Blanc Express

2014.03.25 Bientôt le bout du tunnel

Le 19 mars est passé, l’hiver aussi, mais les trains eux ne passent toujours pas dans le tunnel des Montets. L’issue est pourtant à vue mais il faudra à nouveau attendre, au moins jusqu’au mois de juin prochain et le changement de service.

 

Ci et là les habitants s’étonnent et s’inquiètent : « Mais les trains ne roulent pas ?!! ». Mais il est vrai que les conclusions du dernier comité de ligne « St Gervais – Vallorcine qui s’est déroulé le 27 janvier dernier à Chamonix n’a pas vraiment fait la une des journaux (et n’a pas eu d’écho sur ce blog et je m’en excuse).

La fréquentation du public avait pourtant atteint un très bon niveau puisque sur la trentaine de personnes présentes, seule une petite dizaine était des cheminots. Mais malgré cela l’information n’a visiblement pas suivit, cette information qu’a annoncé RFF par la voix de Philippe Soleil : La réouverture du tunnel reportée au 20 mars n’aura pas lieu et est reportée au maximum au mois de juin.

 

Pour RFF les causes sont clairement expliquées sans non plus rentrer dans les détails et balayent du même coup les « on dit que » prétendant que la voie était mal posée, que des trous avaient dû être creusés pour y mettre des choses oubliées etc etc.

L'entrée du tunnel le 21 décembre 2013, déjà bien débarrassée du matériel de chantier. On distingue déjà la nouvelle chaussée par où sortirons les véhicule pour contourner la gare sans se retrouver nez à nez avec les voitures qui attendent pour entrer.

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001.jpgC’est un problème juridico-administratif qui est en cause. Car le tunnel est bel bien terminé au mois de mars et les entreprises ont déménagé les lieux. Quelques opérations techniques se sont prolongée pendant l’hiver à la faveur d’une météo clémente qui n’a imposé qu’une seule ouverture du tunnel aux voitures pendant une matinée. Pour RFF le problème est complexe car il concerne la sécurité vis à vis des circulations routières et du risque électrique avec le 3ème rail d’alimentation 850 v. Non pas qu’il représente ou ait représenté autrefois un vrai risque, mais dans sa réglementation, la SNCF a toujours fermé la porte à tous les scénarios même les plus improbables et les plus prévisibles, pour approcher au plus près le risque 0.

En fait, les procédures de coupure du courant lorsque le tunnel sera ouvert aux voitures va changer avec des nouvelles installations. En remplacement des sectionneurs installés dans la gare d’Argentière, bien à l’abri, qui alimentent la ligne d’Argentière jusqu’au point frontière, deux appareils d’interruption ont été créés de part et d’autre du tunnel pour isoler l’ouvrage de toute alimentation électrique.

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Ci dessus, le nouveau local technique de Montroc et les "sectionneurs" sur mâts d'interruption de l'alimentation dans le tunnel

Ces appareils sont sur mât en hauteur et à l’air libre. Une mise en œuvre qui peut parfaitement poser un problème face à des conditions climatiques souvent sévères à Montroc mêlant fortes chutes de neige, gel et glace. Des conditions qui peuvent induire un dysfonctionnement « mécanique » sur les nouveaux interrupteurs commandés depuis le Fayet au central Sous-Station SNCF. Dans ce cas, la procédure prévoit l’intervention du service « électrique » de la SNCF. Mais quand le tunnel est fermé c’est parfois en raison d’un fort enneigement au-delà de Chamonix, parfois même jusqu’en plaine. Une intervention d’une astreinte reste donc soumise à ces conditions qui n’autorisent pas une réaction rapide ; voir même, la route peut être totalement impraticable, plus souvent à cause des automobilistes inconscients sans équipement en plein naufrage que de la neige elle-même. Le temps d’arriver sur place pour dépanner l’installation et le créneau horaire d’ouverture du tunnel aux voitures et passé.

 

Selon des premières informations officieuses, il a donc été imaginé le recours à une personne extérieur à la SNCF, peut être un agent des services départementaux, disponible sur place lors des périodes d’Ouverture du Tunnel.  Un poste technique de « veille tunnel » a donc été installé dans la gare de Montroc pour « gérer » certains fonctionnements de l’ouvrage qui, rappelons-le, sera entièrement automatisé pour assurer la gestion de l’alternat avec vidéo-surveillance et donc … plus aucune présence humaine.

DSC_4932.JPGA la SNCF pour le compte de RFF, les cheminots de l’Etablissement Mont-Blanc ne seront plus seuls à gérer ces procédures : « Nous n’avions pas les garanties nécessaires pour avoir l’assurance que la situation future vis à vis du 3ème rail n’offrira aucun risque de présence de courant résiduel » invoquait Philippe Soleil lors du Comité de Ligne.

Devant cette problématique, puisque cette mixtion est une nouveauté sur le RFN , RFF a mandaté un collège d’experts indépendants pour examiner la situation et statuer sur la qualité du niveau de sécurité. Sera rendu un  rapport versé au dossier technique devant être remis à l’EPSF (Etablissement Publique de Sécurité Ferroviaire) pour valider ou non la conformité des travaux exécutés dans le tunnel et surtout les modifications apportées aux procédures.

Sans forcer un optimisme mal venu après tant de reports et de retards dans la restitution des différentes phases du chantier de modernisation de la ligne, Philippe Soleil a tout de même cherché à maintenir un niveau de confiance : « Nous annonçons une ouverture au mois de juin car le dossier devant être déposé à l’EPSF début février (2014), il faut compter 4 mois au maximum pour sa validation ; mais nous ferons tout notre possible pour favoriser une étude rapide du dossier et peut être obtenir une validation des travaux plus tôt ». En clair, même si RFF  -et encore moins l’exploitant SNCF - n’a plus les cartes en mains pour rendre le tunnel au train, il cherche lui aussi à mettre fin au plus vite à cette situation.

 

 

Ce 3ème rail, un danger ou pas ?

Doit-on comprendre que le 3ème rail présente un danger pour les automobilistes au point de poser de tels problèmes réglementaires ?

En fait non ! Et c’est même le contraire, car la nouvelle installation est même mieux protégée qu’auparavant et la procédure de suppression de l’alimentation électrique qui était déjà had-hoc reste inchangée sauf pour les détails expliqués plus haut.

Jamais les automobilistes n’ont été exposés aux risques électriques. La mise hors tension du 3ème rail et la vérification ayant toujours été les opérations obligées et incontournables avant d’accorder la DOT (Demande d’Ouverture du Tunnel) aux services de l’Equipement et de Secours. A la SNCF il est dit souvent que ce qui fait avancer les locomotives ce n’est pas l’électricité ou le gas-oil, c’est le seul respect strict des règles de sécurité qui en font le 2ème réseau le plus sûr au monde. Et c’était impératif d’obtenir cette assurance du risque zéro. D’autant que la mince chaussée en béton sur laquelle roulaient les voitures, n’empêchait pas une sortie de route finissant contre le 3ème rail. Un rail de contact qui plus est n’était pas entouré de « planches » de protection comme dans les gares.

Aujourd’hui les choses ont changé et sont même encore plus sûres qu’avant. A l’écoute de la population, beaucoup pensent que l’élargissement de la chaussée routière à presque 4 m et l’insertion de la voie ferrée dans la dalle de béton vont permettre aux voitures d’aller plus facilement au contact du 3ème rail, ce qui reste de toute façon sans risque selon les explications données ci-dessus.

Cliquer sur l'image pour l'agrandir et la rendre plus lisible

coupe tunnel.jpgHors, le 3ème rail est à présent encastré dans un trottoir de 60 cm de large depuis le piédroit de voûte. Il y est emprisonné dans une résine élastomères isolante de la même manière que les rails de roulement. Seul le dessus du champignon du rail dépasse de quelques centimètres pour que les frotteurs des trains ne viennent pas toucher le béton. Le trottoir fait près de 30 cm de haut, ce qui est déjà pas mal pour qu’une voiture ne parvienne à monter dessus.

Ci-dessous, aperçu de la plateforme d'accès au tunnel coté Montroc le 21 décembre 2013. On voit bien l'amorce de 3ème rail insérée dans le trottoir latéral et les rails sertis par le même principe dans leurs ornières.

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Un soir de février 2014, les portes ouvertes permettent de mieux voir l'intérieur du tunnel. De ce coté, la voûte de l'ouvrage n'a pas été bétonnée sur 100 m environs
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On distingue bien la nouvelle voie "tramway" et le troisième rail presque un invisible dans le trottoir d'évacuation.
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Bardé de systèmes de sécurité pour la circulation routière digne d’un tunnel routier normal, avec un éclairage de sécurité et d’exploitation dernier cri, caméras de surveillance, niches et bornes incendies à espaces réguliers, le tunnel est plus que jamais sécuritaire. Il dispose également d’un important système de ventilation et d’extraction des fumées composé de plusieurs ventilateurs accrochés au sommet de la voûte.

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L’idée d’une caténaire pour remplacer le 3ème rail et éviter de perdre du temps avec cette problématique est souvent évoquée mais qu’en est-il exactement de ce point de vue ?

D’une part, cela condamnera l’utilisation, entre Montroc et la frontière, du matériel Z 600 dépourvu de pantographes et encore utilisés aujourd’hui pour les trains de travaux et même pour assurer parfois le secours de trains en détresse.

Sans aller chercher les pour et les contre, dont déjà le seul surcoût et la complexité de mise en œuvre et d’entretien ou de réparation d’une caténaire sont à eux seul un contre-argument de poids, le verdict est simple et sans appel : pour installer de la caténaire dans une voûte déjà fragile sachant que le gabarit haut est occupé par les ventilateurs, le seul moyen de dégager une hauteur suffisante pour que les trains circulent pantographes levés imposait alors de gagner de l’espace vers le bas. Hors, en associant la profondeur nécessaire pour y enfouir les réseaux humides et les canalisation techniques qui le sont déjà à près de 70 cm après travaux, le décaissement aurait été si important qu’il aurait mis en péril l’intégrité de l’ouvrage tout entier puisque fragilisant les assises des piédroits de voûte.

Et il ne faut pas oublier avant toutes choses qu’il s’agit d’un tunnel ferroviaire, qui s’adapte pour assurer sa mission « humanitaire », comme il était dit dans les années 1920, en offrant une alternative au trafic routier.

La problématique du 3ème rail n’est en fait posée « que » par la présence de voitures à des moments finalement réduits à quelques jours (seulement 8 h cet hiver) dans l’année. Sans cette mission, les dangers électriques ou l’installation d’une caténaire ne serait même pas au devant des préoccupations.

Si l’on fait donc la balance économique entre une caténaire dégageant le gabarit au sol mais sans vrais autres avantages, par rapport au 3ème rail économique, rendu plus solide et encore mieux protégé depuis les travaux, le choix n’est pas difficile à faire lorsqu’on oppose tout cela aux besoins réels en terme de temps d’exploitation annuelle en mode routier.

 

Le dossier est à présent entre les mains de l’EPSF et tout le monde reste suspendu au retour de validation. Du coté de l’EMB on se tient prêt pour pouvoir organiser au plus vite les trains d’essais pour le gabarit principalement. De son coté RFF a réalisé des premières mesures statiques avec la société Spie Batignolles le 21 mars.

Le bout du tunnel semble enfin visible à présent.



25/03/2014
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