2009.12.15 Aujourd'hui j'ai conduit un train, mon premier train
La voilà arrivée cette fameuse journée, LA journée où j'allais me retrouver SEUL aux commandes d'un véritable train.
Petite journée légèrement raccourcie avec accompagnement par mon chef traction, procédure normale lors de la « 1ère à son compte ».
Premier train, 18913, à destination de Chamonix, départ 9 h 30 avec la Z 853. Je relève notre conductrice mascotte qui a fait également sa « 1ère ».
La présence d'un accompagnant en cabine me rapproche plus des circulations pendant le stage ligne, voir même de l'épreuve de conduite que d'une première en solo. Pas encore cette sensation pétillante de l'avènement d'un but. J'ai donc encore du mal à me rendre compte que j'y suis enfin. Ca n'a pas encore fait tilt dans ma tête de la même façon que je n'ai pas eu l'explosion de joie lors des résultats le 11 décembre. Peut être cette joie a-t elle été freinée par pudeur pour mes amis qui ont échoué, eux aussi si près du but !
A Chamonix, mon CTT quitte le train pour suivre un autre élu à sa première, également. Je savais déjà que cela se passerait comme cela mais au moment même où j'ai lâché les freins et mis de la traction, tout seul dans ma cabine, sans formateur, sans moniteur, sans chef traction bref ….. c'est une réalité cinglante qui me frappe : Je conduis un train, moi seul, c'est MON nouveau métier et je suis en train de faire ce pourquoi j'ai mûri des années durant un espoir sans cesse repoussé.
Et une petite voix me parle (non je n'irais pas consulter) et me rappel : « Voilà un grand jour, mais ce n'est que le premier et ce métier tu dois bien le faire …Occupe toi de ta conduite, tu sera heureux plus tard, tu a maintenant le temps d'apprécier cette victoire chaque jour que tu prendra ton service » (elle est aussi bavarde que moi la petite voix).
Et c'est bien cela le fond des choses : transformer le "savoir" en "savoir faire" ! Et comme le forgeron ne le devient qu'en forgeant … forcément il arrivera des fois où il y aura autre chose à gérer que la conduite d'un train, au-delà du fait d'être capable de faire de beaux arrêts, de bien conduire « au profil », tout cela n'a de valeur que si l'on sait aussi prendre le taureau par les cornes en cas d'incident, réagir dans les règles et ne pas s'égarer en panique au risque de mettre en danger les passagers. Nous avons été formés pour cela mais seul la mise en exergue réelle apporte les enseignements.
Et ça n'a pas traîné, à Vallorcine, juste au moment de partir : petite anomalie radio et un problème d'émission. Rien de grave quand on sait qu'il s'agit d'un problème purement localisé à 1 m près …. Mais quand on ne sait pas, là il faut agir et .. appliquer. Et le départ avec 5 mn de retard n'arrange rien mais j'essaye de garder ma zenitude sans chercher à faire des miracles incertains, ce n'est pas sur cette partie de la ligne que l'on peut gagner du temps, au plus une ou deux minutes entre Argentière et La Joux. Et il n'y a pas de correspondance à Chamonix, terminus de ce deuxième train, le 18912.
A Chamonix je prend ma pause avec deux des collègues qui doivent encore rejouer leur partie gratuite; ils sont motivés, ça me rassure et je suis pressé de les croiser en ligne début février !
Nouveau départ en début d'après-midi vers Vallorcine avec la Z 855 sur le 18919 arrivant de St Gervais que je récupère avec 5 mn de retard … et que je met à l'heure à l'arrivée à Vallorcine (na na nè re).
La Z 855 très particulière pour moi puisque c'est avec elle que j'ai décollé du Fayet pour ma première conduite en ligne de formation, ma première montée de la mythique « 90 », record mondial de sa catégorie* ! Un autre jour inoubliable de fait.
Retour en 18918, dernier parcours pour rallier St Gervais et terminer cette journée. Je suis bien à l'heure, pas grand monde aux arrêts Pleine Ligne. A Chamonix j'ai même le temps de tirer le portrait de la Z 855. La photo ci-dessous pourrait être faite n'importe quand mais moi je sais que c'est bien l'un des deux engins que j'ai conduit en cette grande journée et immortalisé ce 15 décembre 2009 ! Ah au fait, après mon examen réussi le 11 décembre jour de la St Daniel, ce premier train a eu lieu le jour de l'anniversaire de l'une de mes deux filles, Lisa. Il se pourrait bien qu'à l'avenir j'affuble la 855 de ce doux petit nom ... il y a 6 Z 850 et j'ai cinq enfants et une femme ... ça pourrait faire le compte ...
Curieusement, alors que j'ai déjà bien roulé, un étrange sentiment d'appréhension me gagne et me met bien moins à l'aise que le matin. Mais cette remontée en pression me permet de rester vigilant, de me dire que ce n'est que le début et que le jeunisme de mes compétences reste à éprouver.
Arrivée à St Gervais et raccordement sur la Z 853 que j'ai conduite le matin … comme à la parade.
Voilà, je viens de terminer ma première journée à CONDUIRE DES TRAINS. Une fois encore la joie reste modérée, certainement emmitouflée (par ces froids c'est normal) par une fatigue montante, consécutive à une concentration fébrile pour ne pas faillir et exécuter mon nouveau métier du mieux possible, faire de ce jour un moment inoubliable que je vous fait partager ici.
*Plus forte déclivité ferroviaire franchie en adhérence pure, sans crémaillère.