Sur la voie du Mont-Blanc Express

Lancée peut de temps après le début des travaux de modernisation (partielle) de la ligne – St Gervais Vallorcine, une rumeur sur l’éventuelle fermeture permanente du tunnel des Montets aux trains pendant l’hiver 2012-2013 vient d’être confirmée par RFF.

Le phasage original prévoyait en effet une ouverture du tunnel pendant l’hiver 2012-2013. Mais le 8 décembre, aucun train ne rentrera dans l’ouvrage, que des voitures. Il faudra attendre l’hiver 2013-2014 pour que les rames du Mont-Blanc Express n’atteignent à nouveau Vallorcine soit près de 2 ans d’attente.

Dès l’interception de la voie entre Argentière et Châtelard en avril dernier, la voie ferrée et la dalle routière ont été démontées pour engager sans attendre les travaux de renforcement et d’étanchéification de la voûte en même temps que la reconstruction des réseaux de drainage et d’alimentation en énergie et communications, première phase de l’opération « tunnel ».

Une demie-surprise pour une demie-fonctionnalité

Mais très vite, quelques indiscrétions ont laissé entendre que les premiers travaux sur la voûte avaient mis en lumière des aléas structurels susceptibles de ralentir l’évolution du chantier. Coté RFF cependant rien n’a filtré, ni pour confirmer, ni pour réfuter cette éventualité.

Ce n’est un secret pour personne et de notoriété historique, ce tunnel et sa voûte centenaire en maçonnerie jointée subit en effet de très fortes pressions hydrauliques par la présence contiguë de cours d’eau de surface et souterrains ; et les infiltrations d’eau dans le tunnel sont parfois conséquentes. Des problèmes géologiques qui avaient déjà généré un retard important lors de la construction du tunnel et même une modification de son tracé qui devait être rectiligne à l’origine, devenu curviligne pour éviter justement de grosses poches d’eau.

A la mi-juillet, RFF a donc enfin annoncé officiellement que le tunnel ne pourra pas être parcouru par les trains pendant tout l’hiver. En revanche, il sera bien ouvert aux voitures suivant les dispositifs existants. A savoir, un alternat pour faire passer les voitures en convois sécurisés à chaque fois que la route du col des Montets sera fermée.

Compte tenu des indices donnés par RFF, on peut vraisemblablement penser que c’est bien la voûte qui donne du fil à retordre à l’entreprise de TP à l’œuvre. D’ici décembre, la nouvelle plateforme en béton (radier) devrait être terminée au moins pour le passage des voitures. En effet, les travaux d’étanchéité doivent être terminés avant ceux d’installation des nouveaux réseaux sous le radier. Et la voie ne pourra être noyée dans la dalle de béton que lorsque les opérations précédentes seront terminées. Ce qui explique pourquoi il est envisagé un accès aux voitures cet hiver mais pas aux trains. On peut estimer à deux mois le retard pris soit le temps de pose de la voie, du rail de contact et l’enrobage béton.

A terme, la dalle intégrera la voie ferrée comme pour une voie de tramway en milieu urbain. La chaussée sera donc plus large et le gabarit au point le plus haut sensiblement augmenté alors qu’avant, la dalle routière de 2,40 m de large était collée contre un coté de la voûte.

La deuxième phase 2013 « tunnel » concernera le système de sécurité nécessaire pour la traversée routière de cet ouvrage de 1882 m comportant une ventilation, des niches de sécurité et des dispositifs de détections d’incendie. L’ensemble sera à terme piloté par un poste de commande et de secours centralisé en lien avec les services de secours.

Avancement des travaux à Montroc ..

Approvisionnement des canalisations sèches et humides pour le tunnel. Une douzaine de lignes de gaines de différents diamètres vont êtres enfouis dans les caniveaux.

En gare, la moitié des voies sont enlevées et la plateforme décaissée.

En sortie du tunnel, la nouvelle plateforme est en cour de réalisation pour l'évacuation des voitures sens Vallorcine - Chamonix par la droite de la gare. L'ancienne route d'accès à double-sens sera réservée à l'entrée pour le sens Chamonix - Vallorcine.

Le drainage est permanent dans le tunnel et un bac tampon est alimenté par une ou deux énormes conduites avant évacuation dans le réseau d'eaux pluviales.

Des travaux de voie déjà en cours

RFF profite également de ce communiqué de presse pour éclairer la population sur la nature des travaux sans pour autant entrer dans les détails des zones réellement traitées. Information que ne possède pas non plus l’Etablissement Mont-Blanc de St Gervais (EMB), exploitant de la ligne et gestionnaire des travaux de voie en temps normale. L’EMB n’a en effet pas été sollicitée pour ce chantier qui est à la seule charge de RFF libre de mandater d’autres entreprises privées. Au fil des années, les agents de l’Unité Opérationnelle Voie de l’EMB ont bien réalisé de nombreux travaux de maintenance pour rénover la voie centenaire. Pas moins de la moitié de la ligne a ainsi été traitée mais avec des moyens mécaniques et financiers communément légers sans pour autant péjorer la qualité de travail.

Il reste donc une petite quinzaine de kilomètres de voie en état d’origine si l’on compte les gares. En réalité, le chantier de modernisation RFF doit concerner 12 km sur les 36 que compte la ligne de St Gervais à Châtelard. On est loin d’une modernisation « totale » comme les collectivités, les usagers et les cheminots étaient en droit d’espérer.

Le calendrier annonce donc pour 2012 :

-          RVB (renouvellement voie et ballast) total de la portion Argentière – Montroc (inclu les voies de gares de Montroc et Argentière). Une portion pourtant traitée à 90 % neuve par les agents de l’EMB depuis 2009 dont 570 m en octobre 2011 !

La gare d'Argentière qui sera base d'approvisonnement. Le troisième rail est déjà démonté. Au-delà la voie n'existe plus ...

... Jusqu'à l'entrée de Montroc ou les derniers mètres de voie sont au démontage le 25 juillet.

-          RVB entre la sortie des Praz de Chamonix et La Joux incluant la gare des Tines.

Tous les signaux ont été effacés. Le viaduc sur l'Arve en sortie d'Argentière. L'EMB a réalisé des travaux d'étancheité centenale sur l'ouvrage entre le 9 juin et début juillet avant de "donner" la voie au maître d'oeuvre (RFF) de la modernisation. Cette portion de ligne une fois traitée, les trains pourront à nouveau monter au moins à Argentière l'hiver prochain comme au printemps 2012.

Le pré-démontage de la voie commence entre La Joux et Les Tines. Une pelle rail-route vue ici à La Joux.

C’est l’entreprise Maïa Rail qui a décroché ce lot. La même société qui a rénové dernièrement la centaine de kilomètre de la ligne des Chemins de Fer de Provence. Du matériel ferroviaire lourds de travaux doit arriver d’Italie dans les prochaines semaines.

Pour 2013 :

-          Servoz - Les Houches en priorité au printemps.

-          Du tunnel des Montets au Châtelard Frontière à l’automne.

L’ouvrage prend en compte le remplacement de tous les éléments de voie : rails, traverses, ballast, alimentation électrique ; mais aussi les réseaux courant le long de la voie. Les traverses en bois sont remplacées par des traverses métalliques et les rails en barre des 36 m ou de 6 m pour les plus anciens sont remplacés par des long rails soudés (LRS) pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres de longueur. La qualité de roulement doit au final égaler celle de la voie entre Chedde et le tunnel de Châtelard avant Servoz refaite en 2008 sur ce principe en qualité de voie d’essai.

Une nouvelle signalisation

La modernisation passe aussi par le changement du système d’exploitation qui intègre une nouvelle signalisation lumineuse automatique (identique à celle des TMR entre Châtelard Frontière et Martigny) qui sera toujours gérée depuis un poste centralisé à St Gervais.

Le réseau filaire souterrain de la ligne sera totalement refait avec création de locaux techniques informatisés dans toutes les gares de croisement inclus le Fayet. Ces opérations ont lieu en même temps que les travaux de voie, de 2012 à 2013.

Les nouveaux signaux lumineux seront implantés de 2013 à 2014.

Les ponts …

Deux petits ponts seront remplacés, l’un à Vallorcine, l’autre près des Houches.

Il faut rajouter bien sûr la reconstruction du pont-rail de Passy(*) avec un nouveau tablier de 82 m de long en forme de S enjambant un nouveau carrefour giratoire. Cette opération génèrera à elle seule la coupure de la ligne St Gervais – Chamonix en 2013 en même temps que la coupure Chamonix – Châtelard Frontière soit une fermeture totale de toute la ligne pendant environs 3 mois.

Mais ce projet n’est pas inclus dans le chantier RFF puisque voulu par le Conseil Général 74 services routes suivant la demande de la commune de Passy.

Vue aérienne de la zone "dans le cadre" du futur pont-rail de 82 m à Passy.

Une plante rare à préserver

Comme souvent pour des chantiers routiers et ferroviaires, des investigations ont fait ressortir un risque d’impact négatif sur la faune, à savoir une plante rare, la Sélaginella helvetica, une espèce protégée. 

Un clôturage des plants situés en bord de voie mais hors des limites du chantier a été réalisé. Quand aux plans mis en danger directement, une équipe de naturalistes du Muséum National d’Histoire Naturelle est venue les prélever en juillet pour les mettre en culture au jardin botanique de Samoëns. Conservés et multipliés, ils seront réimplantés à la fin des travaux.

                                                                    Récupération de la plante préservée (photo RFF/plus2sens).

Vallorcine : le train leur manque terriblement

En mai 2012, à Vallorcine, un collectif de défense est monté au créneau pour dénoncer un manque de concertation avant les travaux entre RFF et la population. Au cœur du débat, la mise sur route du trajet entre Vallorcine et Châtelard Frontière. Les membres du collectif demandant instamment à la SNCF/RFF de revoir la copie pour assurer des navettes ferroviaires sur ce tronçon de 2,5 km pour éviter des trajets par autocar trop dangereux, surtout en hiver. Selon eux, les TMR exploitants la partie Suisse de la ligne seraient d’accord pour assurer ce service comme ils le font déjà en temps normal. Seul problème, pour des raisons de sécurité, RFF a démonté la totalité des réseaux de communication et d’alimentation électrique de Vallorcine à Châtelard.

Près de la frontière, la voie partiellement démontée. La ligne jusqu'à Vallorcine est techniquement impraticable par les trains, sans système de communication et de sécurité reliés depuis Montroc au centre de régulation du Fayet et à cause de règlements de procédures de sécurité incompatibles avec ceux des TMR. A l'automne 2013 elle sera de toute façon totalement démontée pour être refaite à neuf entre le tunnel et Le Châtelard, pour 3 mois au moins.

L’évocation d’un tunnel restant interdit aux trains pour l’hiver a réalimenté la grogne. L’impossibilité d’assurer des transports collectifs par autocar via le tunnel lorsque le col sera fermé suscite de vives inquiétudes auprès de la population de Vallorcine et Montroc. Les scolaires et quelques usagers employés à Chamonix seraient impactés, obligeant à leur transport par voiture si le col ferme. Si la problématique restera limitée aux seules périodes de fermeture du col soit quelques jours dans l’hiver, c’est surtout l’optique d’une desserte routière autocar sur route enneigée via le col des Montets (1300 m) qui provoque un vif émoi. Des solutions sont de toute façon déjà à l'étude pour pallier a l'écart de capacité entre le train et d'éventuels véhicules de TC devant traverser le tunnel (de 100 à 210 places assises pour le train, jusqu'à 300 voyageurs pour un train long).

(*)Un article sera prochainement consacré exclusivement à ce chantier, l'enquête public étant terminée.