2013.11.12 Remplacement d'un pont-rail à Chamonix
Avec la participation photographique de : Denis Marcoux
Un bon mois de préparation et trois jours de travaux auront suffit à remplacer un pont-rail métallique centenaire à Chamonix au-dessus de la rue du Lyret. L’ouvrage datant de 1900 ainsi qu’un autre identique le jouxtant, mais inutilisé depuis longtemps, ont été déclarés «en fin de vie ».
C’est là une procédure systématique pour RFF concernant tous les ouvrages en acier puddlé rivetés à chaud suivant leur état et un ordre de priorité d’intervention pour restauration ou démantèlement.
Les deux tabliers vieux de 113 ans. L'un ne sert plus, l'autre est trop abimé pour être restauré (à droite).
Début octobre, une entreprise de génie civile a investi un petit parking au pied du remblai du chemin de fer à quelques mètres du tablier à remplacer. Une aire de pré-fabrication a été installée pour réaliser le coulage du tablier en béton armé banché.
Un "marbre" de coffrage a été mis en place sur le parking
Après coulage de la dalle principale
Malgré des conditions climatiques souvent médiocres, le tablier ainsi que les deux sommiers (assises) ont été fabriqués dans les temps. Une bordure de caniveau et ses couvercles ont également été fabriqués sur mesure sur place.
***********************************************************
Le 4 novembre, à la faveur de la fin de période de fermeture de la ligne entre St Gervais et Chamonix dans le cadre de la massification d’automne, les opérations de substitution ont commencé. Le plan de circulation a été modifié sur les rues adjacentes et coupée rue du Lyret au droit du pont pour permettre la mise en place d’une imposante grue routière de 200 t de force de la société Sud-Est levage.
Pour le tablier la préparation consistait à réaliser l’étanchéité de la surface supérieure. Un traitement effectué paradoxalement dans des conditions de déluge qui n’ont rien facilité. Une couche de bandages goudronnés transversalement en sandwich entre deux couches de bandages étalés on longitudinal ont été nécessaires.
Ci-dessous, à coté du tablier les bordures de caniveau et à droite les couvercles qui ont été moulés sur place.
A la mi-journée la voie était démontée sur plusieurs dizaines de mètres.
Le tablier en béton aillant une épaisseur plus importante qu’un tablier métallique puisque formant un berceau à encorbellements, il était nécessaire d’agrandir l’ouverture dans la maçonnerie pour accueillir nouveaux sommiers destinés à supporter l’ouvrage. Il a donc été procédé à un sciage dans les moellons pour préparer une découpe plus propre et éviter une éventration des deux murs de culée.
Les divers câbles de communication et d’alimentation électrique ont été sortis de leurs caniveaux et mis en protection dans une gaine génolènes plastiques qui a été suspendue entre les deux culées sur le coté de l’ouvrage.
Le mardi 5 au matin, après quelques préparatifs comme le terrassement pour dégager les abouts de tabliers de part et d’autre des culées, le vieux tablier est extrait de ses assises et déposé à terre sans traîner malgré la présence au beau milieu de la zone de grutage d’une ligne aérienne transportant le 15 000 volts pour les sous-stations SNCF (mais mise hors tension). Quelques minutes pour sonner la fin de carrière de l’ouvrage centenaire.
Après mise en place de deux bennes de récupération des gravats, deux « piqueuses » se sont mises à l’œuvre pour démonter le sommet des culées et ouvrir plus encore la fosse de réception des futurs appuis.
Deux piqueuses sont posées sur le remblai pour démolir les parties de maçonnerie où vont êtres logés les sommiers d'appuis en béton
*********************************************************************
Mercredi 6 novembre, comme suivant le planning, les deux sommiers sont mis en place à 6 h du matin non sans avoir préalablement préparé une surface parfaitement plane avec un sable spéciale durcissant à la compression.
Pour figer définitivement ces deux pièces importantes dans la construction, des forages sont effectués dans la maçonnerie en-dessous en passant au travers de plusieurs trous réservés lors du moulage des sommiers. Ces trous seront remplis ensuite d’un coulis de ciment qui formera comme des colonnes d’ancrage associant le tablier (lui aussi pourvu de trous suivant la même position), les sommiers et l’assise maçonnée des culées.
Sur les sommiers on distingue les trous réservés dans le béton pour les ancrages ainsi que les trois platines d'appui du tablier
Il est 10 h lorsqu’un premier essai de « décollement » du nouveau tablier est effectué.
Puis c’est aux alentours des 10 h 30 que l’ensemble de 63 t est élevé dans les airs jusque sur ses fondations définitives. L’énorme grue travail sans effort mais la précision d’un tel mastodonte pour positionner l’ouvrage au millimètre reste stupéfiante.
Une première pose laisse apparaître un léger dévers transversal qu’il faut rectifier au plus vite. L'ensemble est relevé de quelques dizaines de centimètres pour effectuer ce calage fin. Il faut comprendre que le tablier repose réellement sur seulement trois points d’appuis formés par des petites plateformes carrées coulées dans la masse du béton des sommiers. Il suffit d’augmenter l’épaisseur, avec un ciment spécial, en fonction de la rectification de niveau à produire. A 11 h le nouveau pont-rail du Lyret est enfin bien en place.
Dans la foulée, plusieurs opérations sont engagées comme la mise en place du nouveau caniveau, le remblayage des abouts de tablier, le remplissage des fameux « puits d’ancrage ». Parallèlement, le second tablier est enlevé en moins de deux minutes et posé au pied du remblai. Un nettoyage de ses culées sera réalisé et un grillage viendra sécurisé ses bords pour éviter qu'un quidam ne tombe de 4 m après s'être aventuré sur le remblai ferroviaire.
Le reste de la journée sera consacré à la reconstruction de la plateforme ferroviaire. Contrairement à un tablier métallique où les rails sont posés sur des longrines longitudinales en bois directement sur le plateau de l’ouvrage, ici la voie sera posée normalement sur du ballast. Amélioration phonique assurée.
Le second tablier métallique, tout comme le premier est découpé en deux dans la longueur pour être immédiatement évacué par une entreprise de recyclage.
****************************************
Le 7 novembre dans un frima et une blancheur des montagnes encadrantes qui annonce un hiver arrivant bien progressivement, la pose de la voie se poursuit avec remise en place des traverses. Les anciens rails U 36 sont ici conservés. Le troisième rail de contact est remis en place également pour assurer enfin la continuité totale de l’infrastructure de roulement.
Les câbles sont remis en place dans leurs caniveaux et en dessous, la route est remise en état
Après déversement du ballast, la voie est dressée à la batte « Jackson » pour parfaire sa géométrie. Le nouveau pont du Lyret a donc pu être rendu à la circulation le 8 novembre comme prévu et c’est une rame composée de deux Z 600 venues de St Gervais qui a réalisé un premier passage puis un second avec arrêt sur le pont pour réaliser les essais et mesures en charge afin d’évaluer l’enfoncement éventuel de l’ouvrage.
**************************************************************
Le samedi 9 novembre, le trafic ferroviaire a enfin pu reprendre entre St Gervais et Argentière.
D’autres ouvrage du même type ont déjà été changés sur la ligne avec bien entendu celui de l’aérodrome à Passy, un autre entre Taconnaz et les Bossons. Les travaux de modernisation ont également engendré la reconstruction d’un pont-rail très court près de Vaudagne ...
Le petit pont aux abords de la RD 1205 près de Vaudagne a subit le même traitement que celui du Lyret mais avec une voie fixée directement sur la dalle de béton via des ornières moulées remplies d'élastomère
... mais aussi le pont qui enjambe la route d’accès au tunnel des Montets coté Vallorcine, lui aussi reconstruit tout en béton et d’une ouverture de gabarit haut plus généreuse.
Dans le cadre des prochaines massifications, les deux prochains tablier métalliques devant êtres changés sont ceux qui encadrent le viaduc sur l’Arve aux Bosson.
Vous pouvez retrouver ce reportage en vidéo : ICI